Les habitants de la communauté de communes des Pays du Mont-Blanc (CCPMB) participants au dispositif expérimental “la captothèque”, testé également à Grenoble et sur le territoire de Clermont métropole, se sont réunis le 25 juin dernier à Sallanches pour échanger autour des différents résultats de l’expérience citoyenne BB-Clean.

L’appel à candidature avait été lancé le 12 décembre dernier : les citoyens de la CCPMB sont invités à participer à une expérimentation inédite en Haute-Savoie sur les bases de l’expérimentation Mobicit’air testée en 2016 sur Grenoble, de mesure citoyenne de la qualité de l’air. Ainsi, de Janvier à la mi-Avril, plus de 150 habitants ont emprunté gratuitement des micro-capteurs pour mesurer les particules fines et participer à des ateliers thématiques sur la qualité de l’air avec des experts et élus.

Des temps de découverte qui ont permis semble-t-il d’affiner leurs connaissances, de concrétiser les bonnes pratiques en faveur de la qualité de l’air, mais surtout d'initier le dialogue entre expérimentateurs, experts et les élus.

A la (re)découverte de la qualité de l’air de la vallée

Ainsi plus de 150 capteurs se sont déplacés sur tout le territoire, à toute altitude, générant 3800 sessions de mesures qui ont été réalisées par les participants. Soit 2000 heures de mesures de particules et plus de 4 000 000 de données !

Mais au-delà des chiffres, l’intérêt de l’expérimentation, de l’aveu des participants, est la découverte de l’impact réelle de certaines sources de particules sur la qualité de l’air de la vallée :

“ Je voulais me rendre compte [des polluants] par rapport au trafic, par rapport aux usines, par rapport au bois. Je voulais vraiment me faire mon opinion… Et j’ai beaucoup appris, notamment sur le chauffage au bois !” témoigne un expérimentateur. La (re)découverte de l’impact du chauffage au bois se montre invariable dans les témoignages...mais l’analyse des autres sources de pollution n’a pas été oubliée, comme le trafic routier : "Les mesures de véhicules cela m’a intéressé. Je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment des différences avec les véhicules anciens. Les véhicules modernes sont finalement plutôt bons en PM10 et PM1.”

 

Je voulais me rendre compte [des polluants] par rapport au trafic, par rapport aux usines, par rapport au bois. Je voulais vraiment me faire mon opinion

 

Peu de mesures du côté de l’industrie en revanche, sauf dans le domaine du décolletage, amenant certains expérimentateurs à ouvrir le dialogue entre salariés et directeurs d’usines pour sensibiliser sur leur exposition personnelle.

Côté qualité de l’air intérieur aussi, les mesures faites par les citoyens révèlent des surprises : les différents modes de cuisson, ou pratiques de cuisine, ne sont pas tous égaux en termes d’émission. Exemple avec le grille-pain, qui a fait l’objet de mesures par un grand nombre d’expérimentateurs, et qui se montre fort émetteur de particules.

Voici l'Air beam 2, le micro-capteur de mesure prété l'hiver dernier aux habitans de la CCPMB

Au-delà des sources, c’est enfin leur perception du contexte et de son influence qui s'affine grâce à leurs mesures, notamment le contexte météorologique : “J’ai appris la variabilité suivant la météo, suivant l’altitude, la position géographique… j’ai appris aussi que le plafond d’inversion bougeait… Que tout cela était dynamique”.

 

Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends

Cette sentence, attribuée à Benjamin Franklin, pourrait résumer le bénéfice de cette expérience. Car pour les expérimentateurs, peu importe les motivations ou le niveau de connaissance préalable, l’utilisation du micro-capteur et la participation aux ateliers a permis d’apprendre pour aborder plus sereinement la complexité que représente la compréhension de la qualité de l’air dans la vallée :

 “Ça permet vraiment de se poser les bonnes questions au niveau des comportements individuels, […] C’est du vécu, c’est du local. Cela permet de réaliser qu’on a certaines pensées sur [les sources de] pollution qui sont erronées”

 

 Cela m’a vraiment permis de changer mon comportement, comme par exemple proposer plus du co-voiturage...

 

Des réflexions et une mise à niveau qui amène de nouvelles questions... et semble pousser fortement vers le changement de comportement individuel ou collectif :

“Cela m’a vraiment permis de changer mon comportement, comme par exemple proposer plus du co-voiturage… Je le faisais déjà, mais pas assez souvent.” assure un expérimentateur.  Plus loin que soi, c’est aussi en parlant de leurs découvertes aux autres que les expérimentateurs incitent aux changements de comportement, comme ici sur le chauffage au bois : “Moi je ne me chauffe pas au bois mais si j’avais un poêle à bois, je démarrerais mon feu par le haut… je changerais un certain nombre de pratiques. D’ailleurs j’en parle à ceux qui se chauffent avec ce mode de chauffage !” ou encore auprès des enfants : “ Le changement cela a été d’en parler à nos enfants… On a pu parler avec eux de l’air propre, de l’air sale… [le micro-capteur] nous a permis d’en parler avec plus de facilité avec eux.”

 

Rencontre entre expérimentateurs et expert lors de l'atelier "Gestion d'épisode de pollution" à la CCPMB

 

Une expérimentation pour imaginer l’avenir de l’observatoire

Pour Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, l’expérience apporte également une somme de pistes pour améliorer son observatoire en y intégrant le citoyen via le micro-capteur. Car même si l’idée de multiplier les points de mesures grâce aux micro-capteurs semble belle, les questionnements restent nombreux pour l’association régionale : Comment le citoyen s’approprie-t-il le micro-capteur ? Comment les mesures individuelles de qualité de l’air sont-elles interprétées ? Quelles modalités sont nécessaires pour une meilleure interprétation des données ? Quel est l’apport du micro-capteur dans la réflexion globale sur le changement de comportement ? 

Certaines réponses ont été apportées par les expérimentateurs sous l’œil de la sociologue Louise Michelin, du cabinet MyUsages, chargée d’analyser l’apport de ce type d’expérimentation pour les citoyens mais aussi les modalités de réussite pour l’observatoire. Ces conclusions feront l’objet d’un rapport et viendront alimenter les réflexions de l’observatoire et des partenaires du projet.

Le projet BB-Clean est un projet du programme INTERREG Alpine Space, financé par l'union européenne avec la participation de la région Auvergne-Rhône-Alpes :

 

BB-clean, la suite
L’avenir s’écrira très vite pour le projet BB-clean, réalisé dans le cadre du programme européen INTERREG Alpin Space. En effet, dès la fin de l’année, l’expérimentation réalisée sur le territoire de la communauté de communes des pays du Mont Blanc, sera transposée de l’autre côté des Alpes, en Autriche et en Italie.

Dans notre région, le dispositif Captothèque, qui permet le prêt gratuit de micro-capteurs et qui offre une plateforme de visualisation des données et d’échanges entre participants, sera adaptée et améliorée en fonction des retours des expérimentateurs de cet hiver 2019.