Qui a la volonté d’enseigner ne doit jamais cesser d’apprendre. C’est en faveur de ce principe que Sandrine, enseignante dans la commune de Fontaine, s’engage au quotidien en tant qu’organisatrice de formations pour ses confrères. Particulièrement attachée à la qualité de l’air, elle a choisi d’aborder ce sujet lors de l’une de ses formations en empruntant un lot de micro-capteurs.  

Elle nous racontre aujoud’hui son expérience de la mesure.  

 

Pourriez-vous s’il vous plaît nous en dire plus sur vous ?

Je suis enseignante de sciences physiques au collège Gérard Philippe dans la commune de Fontaine depuis une vingtaine d’années. Je suis aussi membre de l’union des professeurs de Physique et de Chimie. À ce titre, nous faisons régulièrement des conférences et des journées de regroupement à destination des enseignants avec des formations.  

 

Comment avez vous connu la Captothèque ?

À titre tout à fait personnel, j’avais rencontré il y a quelques années une amie qui avait un micro-capteur de la Captothèque. Nous étions allées skier à Autrans et nous avons très bien pu observer les zones dans lesquelles il y avait beaucoup de particules. Il y en avait à Autrans et beaucoup moins dans les Gorges d’Engins.  

Je m’étais dit que c’était un super outil, et cela m’était resté en tête. Puis, lorsque la Maison pour la Science m’a contactée pour me demander si je souhaitais faire des formations, j’ai proposé plusieurs thèmes dont la qualité de l’air. Le thème sélectionné dépendait aussi de l’enseignant chercheur qui participait.

 

Pourriez-vous nous en dire plus sur le cadre de cette formation ?  

La Maison pour la Science Alpes-Dauphiné est une structure qui crée des formations à destination des enseignants du primaire et du secondaire. Pour faire ces formations, on associe toujours un enseignant, en l’occurrence moi-même, et un chercheur Paolo Laj, physicien à l'Institut des géosciences de l'environnement. En 2019, j’ai organisé un congrès de professeurs de sciences et Paolo faisait partie des intervenants que nous avions invités, c’est ainsi que nous nous sommes rencontrés. 

Nous nous sommes retrouvés pour co-créer la formation. Paolo intervient souvent auprès des collèges et des lycées donc il disposait déjà de matériel. L’idée était aussi d’avoir des capteurs pour que les enseignants puissent faire des mesures en direct.

 

Comment s’est déroulée de cette formation? 

Nous avons eu deux jours de formation. La première matinée nous avons fait des rappels sur la qualité de l’air, ce qu’était un polluant, si on estime que la pollution augmente ou diminue etc. L’après-midi nous avons pris en main les appareils, nous avons fait des tests à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment, avec du papier d’Arménie, des allumettes et nous avons un peu cuisiné.

Nous avions les micro-capteurs de la Captothèque ainsi que deux autres modèles. Nous les avons comparés et discuté de quel rôle pouvait être attribué à chacun de ces capteurs. Les participants sont rentrés chez eux avec les appareils et ont explorés leur air dans leur quotidien pendant 15 jours. 

Nous nous sommes ensuite retrouvés pour une deuxième journée de formation. Nous avons visité la station de mesure des Fresnes, avec Mario Duval, responsable de l’unité technique d’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons entre autres appris que tous les appareils de mesure ne sont pas posés au hasard, que certaines stations se déplaçaient etc. Puis l’après-midi nous avons débriefé sur ce qui nous avait surpris en utilisant ces capteurs. Puis j’ai animé une séance sur comment parler de l’air au collège et sur les ordres de grandeurs. 

 
Les stations de mesure de qualité d'air

Les stations de mesures sont des cabines équipées d'appareils de surveillance qui mesurent les concentrations des polluants dans l'air, c'est-à-dire la qualité de l'air que l'on respire.  

Près de 90 stations fixes sont implantées en Auvergne-Rhône-Alpes à proximité ou loin des sources de pollution. Le nombre de stations de mesure et leur répartition sur le territoire répondent à des règles énoncées au niveau européen. Ces règles sont essentielles pour garantir une mesure de qualité et comparable d’une région et d’un pays à l’autre.  
Vous aussi visitez une station de mesure virtuelle ou consultez les mesures des stations proches de chez vous

Quel était l’objectif de la formation ? 

L’objectif était de réutiliser les notions de la formation comme base pour alimenter nos cours. Pour les élèves de collège c’est assez difficile d’appréhender l’air, cette chose qui ne se voit pas... Concevoir que c’est un mélange de gaz, qu’il peut y avoir d’autres éléments à l’intérieur, montrer quelle est la taille des pollens par rapport celle des particules; ce sont des exemples intéressants pour qu’ils arrivent à comprendre les ordres de grandeur et comment ces composants s’insèrent dans l’organisme.  

Il y avait une douzaine de participants dont des professeurs de Sciences Physiques, de Technologie et de Sciences et Vie de la Terre. En Technologie, les élèves peuvent construire des appareils dont certains liés à la qualité l’air. Alors certes ça ne doit pas être très qualitatif, mais au moins les professeurs sont formés à ne pas raconter tout et n’importe quoi.  

 

Avez trouvé que le micro-capteur était un outil pertinent pour cette formation ? 

C’est très intéressant ce micro-capteur. La plateforme est drôlement bien faite avec les graphiques qui apparaissent rapidement. J’étais tout de même très contente d’avoir avec moi un chercheur car j’ai eu du mal à interpréter mes mesures. Il y a sans doute des spécificités dans les mesures que vous connaissez bien et qui sont même typiques. Mais même avec la formation sur ce qu’est un polluant, nous n’avons pas toujours le niveau de connaissance suffisant pour les appréhender.  


Avez-vous été surprise par vos mesures ? 

Oui, je me déplace à vélo et j’habite à Fontaine donc je traverse l’A480. Parfois je ne mesurais pas de pic de particules au-dessus de l’autoroute en revanche, j’en avais à d’autres moment de mon trajet. Paolo m’expliquait qu’il y avait une ou deux voitures anciennes à proximité et que cela suffisait pour faire augmenter les compteurs. Donc il est possible qu’au moment où je suis sur l’autoroute il y ait moins de microparticules car ce sont des véhicules plus récents qui circulent. On m’avait aussi expliqué que le brassage d’air était différent de l’hiver où il y a des inversions de température. 

Par ailleurs, j’habite dans une zone assez passante d’environ 12 000 véhicules par jours et je n’ai pas mesuré grand-chose. C’était rassurant de ce point de vue-là.  

 

Concentrations en particules fines PM10 en µg/m³ mesurées par micro-capteur en proximité routière

 
Pollution routière et qualité de l'air

La pollution liée aux transports routiers vient majoritairement des émissions de carburant pour les oxydes d'azote (NO2), mais également de l’usure des pneus ou du freinage, en ce qui concerne les particules. 

Bien qu’il ne soit puisse pas être mesuré par le micro-capteur de la Captothèque, le principal polluant caractéristique du trafic routier est le NO2. En région Auvergne-Rhône-Alpes, 62% des émissions de NO2 et 20% des particules fines (PM10 et PM2,5) sont imputables au trafic automobile. 

Pour en savoir plus consultez notre article: Comment le trafic routier impacte-t-il la qualité de l’air ? 

 

 

 

 

 


J’ai aussi fait des mesures dans des lieux climatisés et j’ai été très épatée par les niveaux de qualité de l’air: je ne mesurais pas de particules. Justement, un de nos collègues a un enfant en bas-âge qui est sujet à des rhumes des foins chroniques. Il nous a informé que lorsque la climatisation est en route, son fils se sent mieux. 

 
La climatisation, bonne ou mauvaise pour la qualité de l'air?

Les climatiseurs sont des appareils où peuvent se développer la légionelle. Cette bactérie se multiplie dans les alvéoles pulmonaires et provoque la légionellose, une infection pulmonaire grave, mortelle dans 15 à 20% des cas. 

Certains filtres, les filtres HEPA, peuvent néanmoins se montrer très efficaces et stopper 99,97% des particules fines supérieures à 0,3 µm. Ils sont notamment utilisés dans les salles blanches, bloc opératoires et habitations de personnes vulnérables à la pollution de l’air.  

Pour éviter l'accumulation des polluants et des bactéries il est recommandé d’entretenir régulièrement son système de climatisation, de désinfecter les canaux d’aération et de renouveler l’air intérieur.  

Comment les autres professeurs ont réagi à leurs mesures?

Ce que j’ai ressenti c’est que le micro-capteur est un appareil qui nous confronte à nos croyances. Typiquement, j’ai fait plusieurs mesures au-dessus de l’A480 et je n’ai pas mesuré des taux excessifs de microparticules contrairement à ce à quoi je m’attendais. Comme nous étions au mois de mai, personne n’a pu tester sa cheminée, mais j’aurais bien aimé pouvoir le faire. J’ai des connaissances qui ont des cheminées dont les vitres sont noires, et qui vont affirmer qu’ils possèdent un foyer fermé donc qu’ils n’émettent pas de pollution.  

Il y a eu l’exemple de la pause avec les fumeurs qui a suscité de l’intérêt. De manière générale, le fait de pouvoir faire des mesures a plu. De plus, le discours concernant l’amélioration la qualité de l’air en Europe était assez rassurant, donc c’est quelque chose de positif qu’ont retiré les participants.  

 
La qualité de l'air en Europe

D’après l’Agence européenne de l’environnement, en 2020, 96 % de la population urbaine européenne était exposée à des niveaux de particules fines supérieurs au niveau recommandé par l'Organisation mondiale de la santé. 

L'exposition à des concentrations de particules fines supérieures au niveau recommandé par l'Organisation mondiale de la santé pour 2021 a entraîné 238 000 décès prématurés dans l'Union européenne. Soit environ 70 000 de moins qu’en 2020.  

Les émissions de tous les principaux polluants atmosphériques dans l'Union européenne ont continué de baisser, maintenant la tendance à l’amélioration de la qualité de l’air observée depuis 2005.  

 

Est-ce que les participants ont fait évoluer leurs pratiques personnelles suite à cette formation ? 

C'est une très bonne question, je ne sais pas si c'est allé jusque-là. Pour en arriver là, il faut plusieurs tours de vis. Cette formation est un tour de vis mais je ne crois pas qu’on puisse changer ses habitudes, juste en une fois : c’est de la résistance au changement. C’est compliqué de faire peser sur son action individuelle quelque chose d’aussi lourd.    

Les participants sont habitués à se poser des questions et ont à cœur de s’approprier des connaissances pour pouvoir les transmettre après ; c’est le cœur de notre métier en tant qu’enseignants. Néanmoins, ils n’avaient pas nécessairement de connaissances préalables. La personne de la formation qui s’est sentie être la plus grande pollueuse de par son utilisation d’une cheminée et d’un très vieux 4x4, habite au milieu de la forêt. Du coup elle n’a pas de voisins, donc pas forcément de motivation pour changer. 

En ce qui me concerne, je roule déjà à vélo, je prends peu la voiture, donc je ne vais pas changer mes habitudes car je pollue déjà peu. J’ai eu l’occasion de voyager à New Dehli, en Chine à Pékin, à Shanghai dans les années 2000 et ne pas comprendre la couleur du ciel. La problématique semble lointaine, et c’est extrêmement intéressant de prendre connaissance des inégalités mondiales, comme nous avons pu le faire lors de la formation. Cela va certainement amener à réfléchir mais les changements sont plus longs et plus lents je pense. 

 

Auriez-vous un dernier mot à adresser à notre à adresser à notre communauté de citoyens engagées pour la qualité de l’air ? 

Je trouve que c’est une très très bonne idée. C’est une initiative qui est amenée à être fructueuse. C’est par des initiatives qu’on pousse à des prises de conscience. Même si je viens de vous dire que ces prises de consciences sont hyper difficiles ! Il y a une différence entre prise de conscience et changer son action, et ce que fait la Captothèque contribue à cela. 

 

 

 

 

Merci à Sandrine pour son témoignage!

 

 

 

 




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